En novembre 2023, le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR) a mis en consultation le projet de révision de l’ordonnance 2 relative à la loi sur le travail (OLT 2). Par cette modification, le Conseil fédéral entend créer une base légale pour que les cantons puissent créer des quartiers touristiques urbains au sein desquels les commerces pourront ouvrir le dimanche sous réserve que certaines conditions soient remplies.
Les Chambres latines de commerce et d’industrie (CLCI), regroupant près de 10'000 entreprises et 500'000 emplois en Suisse latine souhaitent faire part de leur position sur la consultation mentionnée en titre.
Nous saluons la volonté de créer une base légale spécifique pour l’ouverture des magasins le dimanche dans les quartiers touristiques urbains. Ces quartiers peuvent contribuer significativement à redynamiser les centres-villes. Plusieurs cantons et villes ont par ailleurs créé de telles zones touristiques sur la base de l’article 25 OLT 2 avec succès. Le Tribunal fédéral a confirmé la légalité d’une application par analogie de l’article 25 en zone urbaine dès lors que les conditions dudit article sont remplies.
Le tourisme urbain ne cesse de croitre en Suisse. Notre pays s’inscrit en cela dans une dynamique plus large qui concerne tout le continent. Ce type de tourisme est caractérisé par des séjours courts advenant principalement en fin de semaine. Pour de nombreuses villes, il représente aujourd’hui une composante importante de l’économie locale. Or contrairement à ce qui est devenu la norme dans les destinations touristiques européennes, les conditions pour que les commerces suisses puissent ouvrir le dimanche sont particulièrement restrictives.
Nous nous réjouissons de l’ouverture d’une consultation pour la création d’une exception destinée spécifiquement au tourisme urbain. Bien que soutenant l’idée, nous souhaitons néanmoins exprimer des réserves quant aux modalités d’application qui sont, en l’état, impraticables et juridiquement problématiques.
Premièrement, toute tentative pour définir les besoins, identifier la clientèle cible ou lister les magasins pouvant prétendre à la dérogation engendrera inévitablement des arbitrages iniques et une surcharge administrative. Comment savoir par exemple quel commerce voit son chiffre d’affaires reposer essentiellement sur le tourisme international ? Un commerce peut-il ouvrir même s’il n’y a qu’une partie de son assortiment qu’il est autorisé à vendre aux touristes, et comment doit-il gérer cette distinction ?
Dans les faits, la situation en station de montagne démontre à quel point la mise en œuvre de ces dispositions est difficile. Dans la majorité des cas, l’ouverture le dimanche y est tout simplement généralisée.
Deuxièmement, le projet exclut les villes de moins de 60 000 habitants. Or le tourisme international peut également contribuer significativement à leur économie. En effet, une ville qui n’atteindrait pas le double seuil de 60 000 habitants et 50% de touristes étrangers peut néanmoins bénéficier du tourisme journalier des voyageurs séjournant dans les grands centres qu’ils utilisent comme point d’ancrage pour leurs déplacements dans la région.
Il nous semble que c’est aux villes, en accord avec leur autorité cantonale respective, de définir si elles souhaitent miser sur le tourisme international pour leur développement.
De plus, certains cantons ont déjà créé des zones touristiques urbaines sur la base de l’article 25 OLT 2. Rares sont les zones créées qui satisfont aux exigences de l’article 25a comme envisagé. Dès lors, nous nous inquiétons de la possible création d’un double régime juridique qui pourrait pénaliser les uns ou les autres.
Troisièmement, nous entendons la préoccupation du Conseil fédéral quant à l’importance du partenariat social qui doit être préservé. Il convient néanmoins de rappeler que le travail du dimanche est strictement réglementé et que c’est justement en vertu dudit partenariat social que des compensations supplémentaires y sont associées. Exiger des compensations allant encore au-delà de ce qui existe engendre divers problèmes d’équité de traitement des employés et de discrimination entre les branches et au sein d’une même branche selon sa position géographique. Par exemple, au sein d’un quartier touristique urbain, l’hôtelier et le commerçant seront soumis à un régime différent. De même que deux commerçants, l’un sis dans le quartier touristique et l’autre sis dans le périmètre d’une grande gare, seront soumis à un régime différent.
En conclusion, nous recommandons vivement au Conseil fédéral d’amender le projet afin de laisser davantage de latitude aux cantons et au partenariat social pour que des solutions équitables et adaptées au tissu économique local puissent être mises en place.