Avant-projet de révision totale de la Loi cantonale sur la protection de l’environnement

notre avis

Instance de consultation

Département de la mobilité, du territoire et de l’environnement

Délai de réponse

13 octobre 2025

Objet

Avant-projet de révision totale de la Loi cantonale sur la protection de l’environnement


Contexte

La loi cantonale sur la protection de l’environnement (LcPE), datant de plus de 15 ans, doit être entièrement révisée pour s’adapter aux évolutions du droit fédéral et aux nouveaux enjeux du Valais. Cette révision vise à combler les lacunes, clarifier les compétences entre canton et communes, simplifier les procédures et renforcer la durabilité. Elle intègre notamment les principes de l’économie circulaire, la lutte contre la pollution lumineuse, la meilleure protection des sols, la question de la raréfaction de certaines matières premières et le manque d’espace de stockage pour les déchets minéraux. La réforme prévoit aussi une refonte du fonds cantonal pour les sites pollués afin d’alléger les charges financières des communes et d’appliquer le principe de causalité dans le financement des assainissements. Enfin, les dispositions d’exécution et pénales seront précisées pour renforcer l’efficacité de l’action environnementale.


Notre prise de position en bref

  • La CCI Valais salue ce projet de mise à jour de la législation cantonale, dans un souci de respect et de cohérence avec le droit supérieur
  • Notre association reconnaît la nécessité de traiter les sites pollués et apprécie les efforts du département et du service pour trouver des solutions de financement durables et équitables.
  • Toutefois, le mécanisme proposé repose sur des taxes mal adaptées qui créent des incitations contraires aux objectifs environnementaux et fragilisent la compétitivité des industries valaisannes.
  • Des améliorations ciblées sont encore nécessaires pour clarifier la portée de certaines nouvelles dispositions et garantir la sécurité juridique pour les acteurs privés.



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Notre prise de position en détails :


Observations générales

L’industrie valaisanne a largement contribué au développement économique, social et territorial de notre canton. Elle a favorisé la création de valeur, d’emplois qualifiés et d’infrastructures essentielles, améliorant ainsi durablement la qualité de vie en propulsant notre canton en seulement quelques décennies d’un statu de quasi-subsistance à une vie moderne et confortable. Ces avancées doivent être mises en perspective avec les impacts environnementaux, qui, bien que réels, ont été progressivement réduits grâce à des efforts constants d’innovation, de régulation et de mise en conformité. Le fait que toutes les Valaisannes et les Valaisans profitent aujourd’hui de cette prospérité justifient que la collectivité prenne en charge l’assainissement de sites là où les responsables de leur pollution ne sont plus identifiables ou en mesure de les assumer.


Le principe de causalité, reconnu dans le droit environnemental, ne saurait être appliqué comme l’entend l’avant-projet. S’il s’agit d’assainir des sites dont les propriétaires ont été défaillants, il ne peut pas servir de justification pour faire payer au pollueur d’aujourd’hui des pollutions de hier rétroactivement : le remettant de déchets spéciaux en 2025 ne porte pas une responsabilité plus particulière que Monsieur et Madame Tout le monde pour la pollution des années 1990 d’une exploitation disparue.


Le mécanisme de financement prévu n’est pas seulement problématique pour régler le passé, il est aussi discutable pour préparer l’avenir. Fondé sur de nouvelles taxes cantonales, il crée de mauvaises incitations en introduisant un risque moral : il tend à délier partiellement les acteurs futurs de leurs responsabilités directes en cas de pollution, puisqu’il crée de facto un fond pour anticiper leur potentiel défaillance. Ce système augmente donc paradoxalement le risque de nouvelles atteintes à l’environnement, tout en imposant des coûts supplémentaires aux entreprises respectueuses des normes : les grandes industries, sur les sites de Monthey, Sierre et Viège, ont financé les assainissements à leur charge et continuent d’investir dans des mesures d’anticipation et de réduction de leurs émissions. Le nouveau régime de taxes cantonales les fera passer à la caisse à double, voire à triple.


Le contexte économique international périlleux rend l’introduction de ces nouvelles taxes particulièrement préoccupante. Le différentiel de taxes douanières appliquées par les États-Unis à la Suisse, comparé à l’Union européenne, fragilise considérablement la compétitivité de l’industrie d’exportation. Le sort des exportations de la pharma, principale branche exportatrice valaisanne, est encore très incertain. Dans ce nouveau contexte du commerce international, devenu très instable, toute détérioration supplémentaire des conditions-cadres au niveau cantonal réduirait l’attractivité des investissements industriels en Valais – au détriment des perspectives économiques du canton dans son ensemble.


Problèmes de conception des taxes proposées

Le projet de révision de la LcPE visant à introduire de nouvelles taxes sur les déchets spéciaux, incinérés et mis en décharge contrevient, selon nous, aux principes de base du droit des taxes et entraîne des surcharges problématiques. D’une part, la base légale est insuffisante, puisque ni le mode de calcul précis ni les modalités de perception ne sont fixés dans la loi, mais délégués au Conseil d’État. D’autre part, il manque une présentation transparente des coûts, ce qui ne permet pas de déterminer quelles dépenses doivent effectivement être couvertes. Les taxes maximales envisagées dépassent les redevances fédérales OTAS, sans justification objective. De plus, l’affectation des recettes n’est pas suffisamment encadrée, de sorte qu’il n’est pas garanti que celles-ci soient utilisées exclusivement pour financer les mesures prévues.


Particulièrement problématiques sont les taxes prévues en lien avec les assainissements. Elles entraîneraient une double charge, car les matériaux excavés provenant de sites pollués seraient soumis à de nouvelles taxes, alors même que l’assainisseur prend déjà en charge les coûts d’élimination. Cela contrevient au principe du pollueur-payeur, tel que prévu à l’art. 2 LPE, et risque de renchérir considérablement les projets d’assainissement. À cela s’ajoute le danger d’un effet cumulatif de plusieurs taxes cantonales : ainsi, les boues d’épuration, considérées comme déchets spéciaux et incinérées, pourraient se voir appliquer jusqu’à trois taxes (Fr. 10.-/t comme déchet spécial, Fr. 5.-/t comme boue d’épuration et 30.-/t pour les cendres issues de l’incinération). Pareil cumul de charges multiples n’est pas objectivement justifié et devrait être systématiquement évités.


La taxe prévue sur les déchets mis en décharge (art. 61) correspond de facto à une version cantonale de la taxe OTAS. Là aussi, sauf pour les mâchefers et cendres issus de l’incinération des boues d’épuration, une double charge apparaîtrait, puisque ces déchets sont déjà soumis à des frais d’élimination dans le cadre de la réglementation existante. Certes, la portée pratique est limitée en raison du petit nombre de décharges de type C/D/E en Valais, mais le principe de base demeure problématique.


Proposition pour éviter les doubles charges

Une possibilité serait d’introduire une règle excluant de nouvelles taxes sur les matériaux déjà soumis à prélèvement. Une alternative consisterait à mettre en place un système de crédits permettant de déduire les coûts de traitement des matériaux excavés des contributions dues au fonds cantonal pour les sites pollués. Cela garantirait que les entreprises ne soient pas imposées plusieurs fois pour les mêmes déchets.


Observations et propositions par articles
Chapitre 1 – Dispositions générales

Art. 2, al. 1, let. a : Les principes d’action du canton devraient inclure non seulement la prévention, mais aussi les mesures de limitation et de réparation des atteintes existantes, conformément à la pratique fédérale.

Art. 5, al. 4 : La révision doit garantir la protection du secret d’affaires et le respect du nouveau droit fédéral de la protection des données.

Art. 10, al. 2 : Lorsque des tâches de contrôle ou de mise en oeuvre sont confiées à des privés, une base légale claire (accréditation, autorisation, etc.) est nécessaire.


Chapitre 2 – Dispositions particulières

Art. 14 (abrogé) : La suppression de la disposition fixant une échéance de traitement des dossiers par l’administration crée une insécurité pour les investissements. Nous demandons le maintien d’un délai clair et contraignant.

Art. 21, al. 1 : Les contrôles d’émissions doivent pouvoir être réalisés par des organismes privés spécialisés, et non exclusivement par la seule administration, afin de garantir efficacité et proportionnalité.

Art. 44, al. 1 : L’obligation de coupure nocturne doit exclure les installations de sécurité (éclairage de secours, voies d’évacuation) ainsi que les sites industriels fonctionnant en continu.

Art. 49, al. 2 : La notion d’« autres installations » doit être clarifiée pour éviter toute incertitude juridique.

Art. 54, al. 1 : Le terme « investigation préalable » doit être défini de manière cohérente avec la législation fédérale afin d’éviter toute confusion avec les enquêtes approfondies de l’ordonnance sur les sites contaminés.

Art. 56, al. 2 : Le concept de « garanties requises » doit être précisé ; seules les garanties financières (p. ex. cautions bancaires) doivent être envisagées.

Art. 58, al. 3 : Il convient d’assurer la transparence sur l’utilisation des fonds et de préciser si le paiement entraîne la libération de la responsabilité du propriétaire.


Section 2.8 – Sites pollués

Art. 59 et 60 : Les taxes prévues doivent être adaptées de manière à éviter toute double charge, en particulier pour les entreprises qui ont déjà contribué à la dépollution de leurs sites.

Art. 61 : Nous rejetons la taxe sur les déchets mis en décharge, car elle engendre une double facturation pour des déchets déjà traités et payés dans le cadre des régimes existants.

Art. 63, al. 7 : Les remboursements issus de la redevance OTAS doivent aussi bénéficier aux acteurs privés supportant des charges de dépollution, même s’ils ne sont pas propriétaires ou exploitants.

Art. 65, al. 2 : Le Fonds ne doit pas financer de campagnes d’information ou de sensibilisation, mais uniquement des mesures concrètes de dépollution, y compris celles mises en oeuvre par des privés n’ayant ni violé le droit, ni causé intentionnellement de dommages.


Nous remercions le SEN pour la préparation de cet avant-projet de modernisation ambitieuse de la LcPE. La CCI Valais reconnaît la nécessité de traiter les sites pollués et de trouver des solutions de financement lorsque les responsables ne peuvent plus être identifiés. Toutefois, le mécanisme proposé repose sur des taxes inadaptées qui créent des incitations contraires aux objectifs environnementaux, fragilisent la compétitivité de notre industrie et entraînent des charges multiples injustifiées.


Nous vous invitons dès lors à revoir le projet afin :

  • d’éviter toute double charge,
  • de clarifier la portée des nouvelles dispositions,
  • de garantir la sécurité juridique pour les acteurs privés,
  • et de préserver l’attractivité du site industriel valaisan.
Avant-projet de loi sur l’école valaisanne (LEV), sur l’enseignement du degré secondaire II (LEDeS) et sur l’enseignement privé (LPriv)
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